J.O. 301 du 28 décembre 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis du 11 octobre 2007 sur le projet de décret relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d'électricité


NOR : DEVE0772378V




1. Contexte


Conformément à l'article 21-1 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 20 juillet 2007, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, d'un projet de décret relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d'électricité, pris en application du II de l'article 21-1 de la loi du 10 février 2000.


2. Observations de la CRE


L'article 21-1 de la loi du 10 février 2000, sur le fondement duquel est établi le présent projet de décret, prévoit que soient fixés réglementairement « les niveaux de qualité et les prescriptions techniques en matière de qualité » afin d'« assurer une desserte en électricité d'une qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l'énergie électrique ». L'objectif fixé par la loi n'est pas atteint par le projet soumis à la CRE.

En effet, le présent projet de décret ne concerne pas la qualité sur le réseau public de transport en général, mais uniquement au niveau des postes source de distribution. De plus, il ne traite que de deux critères de la qualité, les coupures et le niveau de la tension, et retient une maille d'évaluation globale de la qualité qui n'est pas pertinente.


2.1. Le décret devrait prévoir des obligations de niveaux de qualité

en faveur des utilisateurs du réseau public de transport


Tous les utilisateurs du réseau public de transport doivent bénéficier d'engagements quantitatifs fondés sur la qualité historiquement constatée aux points de connexion de leurs installations. Le projet de décret ne prévoit aucune obligation dans ce sens.

La qualité sur le réseau public de transport doit être traitée rapidement pour tous les utilisateurs, eu égard à l'absence de tout engagement dans les contrats d'accès au réseau de transport (CART) de la part du gestionnaire du réseau public de transport à l'égard des utilisateurs injecteurs.

Par ailleurs, l'article 19 du projet de décret introduit un traitement discriminatoire entre les réseaux publics de distribution qui sont « alimentés » par le réseau public de transport et ceux qui « injectent » sur ce réseau (cas des postes sources « refouleurs »). La présence de la production décentralisée, intermittente ou non, raccordée sur les réseaux publics de distribution n'est pas suffisante pour justifier une telle discrimination. Il en résulterait une absence d'engagement sur les niveaux de qualité des gestionnaires de réseaux publics de distribution pour les utilisateurs raccordés sur des postes sources pouvant injecter sur le réseau public de transport.


2.2. Le décret doit porter sur tous les paramètres relatifs à la qualité de la fourniture


Le projet de décret traite uniquement de deux critères de la qualité de la fourniture : la tenue de la tension et la continuité de l'alimentation électrique (les coupures longues ou brèves). Compte tenu des conditions techniques de raccordement à respecter par les utilisateurs arrêtées par la règlementation, le décret devrait fixer des objectifs aux gestionnaires de réseaux publics de distribution compatibles avec les limites réglementaires des arrêtés d'application du décret no 2003-229 du 13 mars 2003, tels que la variation de la fréquence, le déséquilibre, les harmoniques, les creux de tension et les fluctuations de la tension (le flicker).

Le projet de décret comporte, également, une définition moins précise de la notion de qualité que celle figurant à l'article 4 du cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique. Cet article préconise en particulier de prendre en compte les creux de tension caractérisés par leur profondeur et leur durée, paramètres qui sont absents du présent projet.

L'article 17 de l'annexe au décret no 2006-1731 du 23 décembre 2006 approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité contient également une définition plus précise des caractéristiques de l'électricité. Il est ainsi prévu que « le concessionnaire répond aux éventuelles demandes d'engagements quantitatifs spécifiques des utilisateurs et des gestionnaires de réseaux publics de distribution portant sur la qualité de l'électricité qu'ils soutirent, notamment en matière de creux de tension et d'harmoniques ».

Dès lors, le présent projet de décret ne peut contribuer utilement à l'amélioration de la protection des utilisateurs de réseau en matière de qualité.

Par ailleurs, il est, également, recommandé que les microcoupures, d'une durée inférieure aux coupures brèves, soient traitées dans le décret. En effet, ces coupures de courte durée peuvent avoir autant d'impacts techniques et financiers sur les installations des utilisateurs que les coupures de plus longues durées.

Le projet de décret traite uniquement du nombre maximal de coupures longues et brèves chaque année en un point de connexion particulier ou de façon globale pour le réseau électrique. Le décret doit, en plus du nombre maximal de coupures de l'alimentation électrique, prendre en considération la durée totale annuelle des coupures.


2.3. L'évaluation de la qualité doit être faite à la maille de la concession


La maille retenue par le projet de décret pour l'évaluation globale de la qualité est la maille départementale. Or, chaque autorité concédante établit un cahier des charges qui fixe, en application de l'article 21-1 de la loi du 10 février 2000, les « niveaux de qualité requis ». Les pénalités sont décidées par l'autorité concédante, qui, elle-même, constatera le rétablissement des seuils minimaux de qualité.

Il est, donc, nécessaire que la fixation des niveaux de qualité, l'évaluation et le contrôle de la qualité, éventuellement la mise en place de pénalités, soient réalisés à la maille de la concession.

En outre, un contrôle à une maille plus réduite que celle du département permettrait de mettre en évidence les zones où les niveaux de qualité sont les plus faibles, l'agrégation des données sur un large périmètre rendant plus difficile la détection des « points noirs ».


2.4. Le décret doit encadrer les obligations des gestionnaires de réseaux


Les obligations des gestionnaires de réseaux publics d'électricité décrites dans le projet de décret sont théoriques en l'absence de l'entrée en vigueur concomitante du décret relatif à la somme visée au III de l'article 21-1 de la loi du 10 février 2000.


2.5. L'interface entre les réseaux publics de transport et de distribution doit être précisée


L'article 19-I du projet de décret prévoit que le gestionnaire du réseau public de transport prend les dispositions nécessaires pour que la continuité de la tension HTB délivrée par ce réseau à un poste source alimentant un réseau public de distribution soit assurée. Or l'interface entre le réseau public de transport et un réseau public de distribution ne se situe pas nécessairement au niveau du poste de transformation HTB/HTA (article 3 de l'arrêté du 6 octobre 2006, pris en application du décret no 2003-588 du 27 juin 2003).

Il est, donc, nécessaire de préciser que la continuité de la tension HTB délivrée par le réseau public de transport à un réseau public de distribution doit être assurée en fonction de la localisation de l'interface entre les deux réseaux publics.


2.6. Les délais d'entrée en vigueur du décret sont trop longs


L'entrée en vigueur des dispositions relatives à la continuité de la fourniture sur les réseaux publics de distribution est prévue deux ans après la publication du décret. Ce délai est excessif compte tenu des informations dont disposent déjà les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.


3. Avis de la CRE


Alors que le décret devrait inciter à l'amélioration de la qualité des réseaux publics d'électricité, le projet qui a été soumis à la Commission de régulation de l'énergie pourrait conduire à une dégradation du niveau de qualité actuellement observé. Une telle évolution serait de nature à compromettre la compétitivité des activités économiques des entreprises, le confort des habitations et la confiance dans l'ouverture des marchés.

Dans ces conditions, la Commission de régulation de l'énergie émet un avis défavorable sur le projet de décret qui lui a été soumis.

Fait à Paris, le 11 octobre 2007.



Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette